La maison dans laquelle de Mariam Petrosyan
Mode SP livre lu en mars 2016 - Éditions Monsieur Toussaint Louverture
Nombre de pages : 960
ISBN-13: 979-1090724990
ASIN: B017P5Z084
Présentation de l'éditeur :
Dans la Maison, vous allez perdre vos repères, votre nom et votre vie d'avant. Dans la Maison, vous vous ferez des amis, vous vous ferez des ennemis. Dans la Maison, vous mènerez des combats, vous perdrez des guerres. Dans la Maison, vous connaîtrez l'amour, vous connaîtrez la peur, vous découvrirez des endroits dont vous ne soupçonniez pas l'existence, et même quand vous serez seul, ça ne sera jamais vraiment le cas. Dans la Maison, aucun mur ne peut vous arrêter, le temps ne s'écoule pas toujours comme il le devrait, et la Loi y est impitoyable. Dans la Maison, vous atteindrez vos dix-huit ans transformé à jamais et effrayé à l'idée de devoir la quitter.
Ensorcelante évocation de l'adolescence, La Maison dans laquelle est un chant d'amour à cet âge ingrat et bienheureux, à ses exaltations et ses tragédies, au sentiment de frustration et de toute-puissance qui le traverse. Mariam Petrosyan a réussi à créer un univers bariolé, vivant et réaliste, pétri de cette nostalgie et de cet émerveillement que nous avons tous au fond de nous et qui fait que, parfois, nous refusons de grandir et d'affronter la brutalité du monde qu'on appelle la réalité.
Mon avis :
La maison dans laquelle les dimensions n’ont plus aucune frontière
Voilà un titre complet qui collerait à cet ouvrage totalement hallucinant. Hallucinant sur beaucoup de points !
Ce fut pour ma part une lecture riche, parfois lourde, une lecture longue — n’oublions pas que le bébé approche les 1000 pages —, mais surtout une lecture hors du commun.
Une intrigue sans queue ni tête posée dans un décor sorti tout droit de la quatrième dimension, où les hommes n’ont plus de noms que des substantifs.
Si sur certaines pages on loue Mariam Petrosyan pour son génie et son réel talent de conteuse, sur d’autres, on se demande quelle drogue elle a pu prendre tandis qu’elle couchait certains mots sur le papier.
Trêve de plaisanterie…
Des mots autant que des maux, car dans La Maison dans Laquelle, elle nous invite à partager le quotidien d’enfants handicapés que la vie n’a pas épargné. Pas de prénoms donc pour les nommer, tous utilisent des pseudonymes. Ainsi, nous suivons les traces d’un Fumeur, d’un Sphinx, d’un Chacal, de L’Aveugle etc.
La maison en question est un institut spécialisé qui accueille les enfants handicapés dès 5-6 ans. Ils y poursuivent ensuite une scolarité jusqu’à l’âge adulte. Les garçons et les filles sont séparés. Chaque enfant fait partie ensuite d’un groupe. Les groupes fonctionnent à la manière d’un clan avec un chef à leur tête. La loi du plus fort régit la maison, cependant, cette loi met à l’épreuve surtout les nouveaux arrivants. Au fil des pages, on se rend compte qu’il subsiste une réelle entraide entre les élèves.
Nous suivons pour commencer les traces de Fumeur, un adolescent et un jeune arrivant dans la maison puisqu’il n’y séjourne que depuis moins d’un an au début du livre. Fumeur a beaucoup de mal à s’intégrer à son nouvel environnement, lui qui est arrivé sur le tard, n’arrive pas à trouver une place parmi ce monde tout droit sorti d’un décor de la quatrième dimension. En effet, les personnages eux-mêmes paraissent irréels. Ce n’est pas une question d’handicap, car Mariam Petrosyan ne met pas avant ce point plus que cela. En fait, son écriture — très fluide — ne marche que par figure de style : allégories, métaphores etc. Mariam Petrosyan ne nomme jamais les choses franchement que ce soit les prénoms de personnages que ce soit leurs handicaps, mais pas seulement, par exemple les activités quotidiennes sont décrites de manière tellement surréaliste qu’à un moment lorsqu’elle fait référence à des cours ou des examens, on se demande si on est encore à la bonne école. Bref, on est franchement dans une frontière entre plusieurs dimensions. Ce côté surréaliste ou hyperréaliste selon les points de vue fait de ce roman sa principale qualité mais aussi son défaut principal. En effet, ce roman n’est pas accessible à tous dans le sens où même si le style reste très fluide, il y a fond psychologique/philosophique/ésotérique très intense qui pourrait mettre certains lecteurs à la peine et donc sur le carreau.
Je ne serai pas étonné d’apprendre que certains de ces lecteurs aient abandonné le roman au bout de 400 ou 500 pages, car il faut parfois s’accrocher pour suivre les élucubrations de Mariam Petrosyan. De plus, je pense que pour entrer pleinement dans cet univers, il faut relire le roman deux voire trois fois.
Car l’intrigue principale en elle-même est plate. Mariam Petrosyan nourrit en fait son lecteur de tableaux à l’empreinte tantôt mystérieuse, tantôt farfelue, tantôt.... Tantôt irréelle ?
Elle frôle toujours le fantastique sans oser franchir pleinement le pas comme par peur de tomber dans une certaine démence. C’est ce qu’on pourrait lui reprocher aussi dans ce roman : de ne pas aller jusqu’au bout des choses.
Même les sujets ésotériques sont traités de façon alambiquée, j’ai cru voir une référence à l’Ego et à ses multiples Moi sans en être certain. Les « sauteurs » font certainement référence à la sortie hors du corps, mais là aussi Mariam Petrosyan ne l’explique pas réellement.
Aussi à la fin du roman, on reste sur notre faim. On a l’impression de sortir d’une certaine léthargie. On pense avoir compris, mais en fin de compte on reste à côté de la plaque.
Bref…
Cependant, je persiste à le dire, même si je ne peux pas allouer la note maximale à ce roman, — car il n’est pas accessible à tous et vu le sujet traité, c’est pour moi un paradoxe — je trouve qu’il y a du génie dedans.
Le style est franchement bon et d’une fluidité à toute épreuve vu le sujet traité. 1ère personne du singulier, 3ème personne du singulier, changement de personnage, flashbacks etc. Le monde imaginé par Mariam Petrosyan est franchement fabuleux. C’est glauque et assez obscur peut-être porté aussi par les miasmes d’une époque soviétique refroidie. Les personnages sont totalement atypiques. Le huis-clos est réussi sans être particulièrement étouffant. Même si l’intrigue est plate, les mises en abîmes sont nombreuses et suffisent à maintenir notre intérêt.
Et surtout l’aspect abordé d’un point de vue ésotérique est franchement original pour ne pas dire effrayant.
Il y aurait énormément à dire sur ce roman et je pense avoir fait un compte-rendu qui ne fait pas honneur à la richesse de celui-ci.
La Maison dans Laquelle est en définitif un roman dérangeant, dérangé, atypique, hallucinant réservé à un lecteur aguerri qui n’aura pas peur de se perdre dans les tréfonds du mental ; là où les dimensions n’ont vraiment plus aucune frontière.
Note globale : 16,5/20